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Le Pélican.




Notre TCF Gérard Lefèvre a écrit ...


Au XIVe siècle le protégé du roi d’Écosse, le Comte de Foix, Gaston de la Pierre Phoebus aurait créé un collège rassemblant des alchimistes, auxquels il aurait communiqué les secrets de l’Ordre du Temple. De ce collège serait né l’idée de fonder une Église occulte. Le symbole héraldique de cette organisation était « le pélican dans sa pitié ». Il représentait un pélican sur son nid les ailes déployées, se sacrifiant pour nourrir de sa chair et son sang ses six petits affamés (alors que normalement les pélicans n’ont que trois petits par nichée).

Un peu de zoologie.



En zoologie, le pélican est un grand palmipède doté d'un long bec, plat et très large ; il possède une poche logée sous la mandibule inférieure, dans laquelle il emmagasine sa nourriture, constituée essentiellement de poissons, qui y subit un commencement de digestion.

Lorsqu'il a des petits, il les alimente en comprimant cette poche avec son bec, et régurgite ainsi le contenu.

Des observateurs inattentifs ont, de loin, pu croire ou imaginer que le pélican déchire la poitrine pour nourrir sa progéniture de sa chair et de son sang.


De là, vraisemblablement, l'origine de sa légende dont s'est inspiré Musset dans La Nuit de mai.




Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.

Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;

En vain il a des mers fouillé la profondeur ;

L’Océan était vide et la plage déserte ;

Pour toute nourriture il apporte son cœur.


Un peu d’humour avant d’entrer plus avant :

Il était une fois, Dans la ville de Foix, Un pélican qui se dit ma foi, C'est la première fois que je me vois, Dans cette cité de Foix.

Le pélican figure dans la Bible ; il n’a pas toujours été traduit de l’hébreu comme tel, mais par d’autres noms d’oiseaux (corbeau, hibou, corneille, etc.) C’est Saint-Augustin qui, semble-t-il a, le premier, associé le pélican au Christ[1] en raison de l’impression qu’il nourrit ses oisillons en perdition de famine par son sang[2]., et de l’analogie de son sacrifice pour sauver les hommes. Le patriarche Abraham « ab-raham », « père des croyants » judéo-chrétiens, aussi appelé « père élevé ou père d’une multitude », et pour notre propos « père de miséricorde », a été associé au pélican. Probablement par une assonance ou jeu de mots entre « raham » ou « « ram » qui signifie « élevé ou nombreux », d’où aussi « père (ab) élevé » ou « père d’une multitude », et « rahham[3] » racine signifiant « miséricorde », « compassion ». Cette dernière association peut provenir du fait qu’Abraham intervint auprès de Dieu pour sauver les justes parmi les habitants de Sodome et de Gomorrhe. D’où « pélican », oiseau compassionnel.


À titre d’illustration, Le pélican figurait notamment sur le blason de la famille Plantade.


Un oiseau des fleuves et des mers ou des déserts

Les pélicans ayant leur habitat au voisinage des fleuves et des marais du littoral oriental de la méditerranée, la vallée du Nil, l'Asie Mineure, l'Iran et l'Inde, il est fort probable que le lieu d'origine de la légende se situe dans ces régions. Cependant le psaume 101 (102) cité fait apparaître qu’il existe aussi des « pélicans du désert », qui se nourrissent d’insectes et de serpents.


Certains auteurs en ont fixé la source en Égypte.

Pourtant le pélican ne figure pas parmi les hiéroglyphes, ni dans les peintures et sculptures de la haute époque.

Toutefois, dans les papyrus, se rencontrent des représentations qui ont des analogies avec la légende du pélican.

Par exemple Georges Ory rapporte cette formule : « Puisse ce vin devenir le sang d'Osiris » ; mieux encore cette citation de Guignebert : « Osiris, représentée sous la forme d'une coupe de vin, donnant son sang à boire à Isis et à Horus ».

L'oiseau n'apparaît pas mais l'idée du « don du sang » est bien présente.


D'Égypte et de Judée, le mythe du pélican a cheminé vers la Grèce et fut adopté par le christianisme qui lui a fait une large place, tant dans sa littérature que dans les sculptures de ses édifices.


De l’oiseau au symbole chrétien puis cathare.



Les gnostiques et premiers chrétiens dualistes ont vu dans le pélican l'oiseau qui combattait le serpent, l’éternel adversaire. Les gnostiques avaient eux aussi une tout autre interprétation du symbole du pélican. Comme pour les prêtres de l'ancienne Égypte, ce dernier est assimilé au cygne, il est Lumière, il pond et couve l'œuf du monde. Dans le Rituel égyptien, Seb, le Dieu du Temps et de la Terre, est représenté comme ayant pondu un Œuf, ou l'Univers, un « Œuf conçu à l'heure du grand Un, de la Force Double. ». Il est possible que les premiers chrétiens aient eu un point de vue assez proche de cette symbolique.


Car, selon les papyrus d’Égypte, le « vrai » pélican, lui, symbolise le père insensé qui, pour sauver ses enfants du feu qui les entoure, ne fait qu'attiser les flammes en agitant ses ailes I L'oie au contraire symbolise le père doué de bon sens puisqu'elle fait barrage entre ses petits et son adversaire et oblige ce dernier à l'affronter.


Le pélican voit ses petits tués par le venin du serpent, son ennemi. Pour les ressusciter, il s'envole au-dessus d'un nuage et l'inonde de son sang qui asperge ainsi ses petits qui se réveillent.


Ainsi comme tout symbole, celui du pélican est à multiples facettes et chaque interprétation, si erronée qu'elle soit, détient sa part de vérité.

C'est pourquoi il a pu être récupéré par l'église romaine pour en faire un Christ rédempteur, alors qu'il représentait depuis toujours le Christ qui combat les forces du Mal.

Pour les cathares et avant eux, les premiers chrétiens, cet oiseau fabuleux qui tenait du cygne, de l'oie et peut être du phœnix avait tout simplement pour nom « le pélican ».


Selon l'église catholique romaine, le pélican nourrit ses petits de son sang et de sa chair. C'est le symbole de Jésus, le Christ qui vient racheter le péché originel de l'humanité par le sacrifice de sa chair et de son sang, symbole contenu dans le sacrement de l'Eucharistie. Le pélican posé sur un nid en forme de couronne d'épines, s'ouvre le côté pour nourrir ses oisillons, chair de sa chair. Il est l'emblème du Christ Eucharistique.

De ce fait, il ne s'agit plus de légende ou d'erreurs, mais d'une symbolique rattachée à une construction linguistique.

Ce sacrement contient outre le sacrifice du Christ, l'action de grâce, la fraction du pain et la communion.


On peut également remarquer que l'Eucharistie en tant que sacrement ne date que des Xlle - Xllle siècles, soit en pleine résurgence cathare.


Or les cathares rejetaient ce sacrifice du fils de Dieu qui n'avait pas pu mourir sur la croix, car il ne s'était incarné qu'en apparence. Par contre, ils pratiquaient la fraction du pain avec beaucoup de cérémonie, comme les premiers apôtres.

De nos jours, tous les historiens admettent que le catharisme est une forme de christianisme, mais ne reconnaissent pas forcément qu'il en soit la version la plus ancienne ou la plus épurée.


Le dogme établi, il suffisait au christianisme d'éliminer les opposants et de proposer aux simples croyants une nouvelle façon de voir et de penser.

Cela explique comment certains dieux païens anciens ont été « transformés » en saints chrétiens tout en conservant les mêmes « pouvoirs magiques » ; de la même façon, certains symboles ont pu être détournés de leur sens premier ou « accommodés ».

Le symbole que représentait le pélican a fort bien pu subir ce genre de « métamorphose ».



Une image plus flatteuse ? Pélican, cygne ou oie ?


Si la nature même du pélican est sujette à caution, qu'en est-il de son image ?

À la réflexion, l'image du pélican n'est pas celle que l'on attend.

Rares en effet sont les images du vrai pélican dans les églises ou sur les habits sacerdotaux et pourtant s'il y a un oiseau qui ne peut être confondu avec aucun autre, c'est bien le pélican Comment expliquer cette incohérence ?


En considérant la représentation par l'image de ce symbole, deux interprétations sont possibles : Ou bien l'appellation « pélican » a été destinée à masquer, à maquiller, le cygne dont le symbolisme païen était beaucoup trop « voyant » ; ou bien l'image du pélican a été jugée trop peu « photogénique » et les imagiers l'ont embellie en lui donnant l'aspect d'un cygne ou d'une oie.

Cette dernière hypothèse n'est envisageable que dans l'interprétation du symbole selon l'église romaine.


La première hypothèse, par contre, serait tout aussi valable pour les cathares que pour les catholiques.

Pour les deux communautés en effet, mieux valait raconter l'histoire d'une espèce d'oiseau fabuleux qu'on nommerait pélican plutôt que de raconter l'histoire du cygne au symbolisme païen beaucoup trop affirmé.


Si l'on examine la nature et la posture de l'oiseau qui trône dans les églises, le plus souvent il ne s'agit aucunement d'un pélican à « l'allure de cygne » mais d'un véritable cygne.

Or le cygne est bien l'oiseau qui, bien avant l'ère chrétienne, tire le char du soleil vers l'Hyperborée, qui représentait pour les Grecs une sorte de paradis lointain et mal défini, le séjour des Bienheureux.

Ce ne peut pas être une coïncidence I Par ailleurs, l'oiseau est souvent présenté déployant ses ailes et paraît ainsi protéger ses petits ; ses petits sont donc en danger ? Et les oisillons sont au nombre de trois, pourquoi trois…


Quand on voit l'oiseau qui semble s'arracher le cœur de son bec et que quelques gouttes de sang perlent sur son plumage, le symbole est incontestablement catholique.

Le pélican qui régurgite sa pêche pour nourrir ses petits symbolise bien le Christ Eucharistique.


Mais ce n'est pas toujours le cas. Faut-il alors voir autre chose ? Y aurait-il plusieurs niveaux de lecture ? Rappelons que les images, fresques et autres tableaux figurant dans les églises étaient destinés à la compréhension de ceux qui n'avaient pas accès à la lecture des textes sacrés.


En résumé, il semblerait que nous nous trouvions en présence de trois oiseaux de légende (quatre avec le phœnix) et les deux interprétations proviennent d'un amalgame.


A l'origine le pélican représentait le père dénué de bon sens alors que l'oie représentait le père sensé. Le cygne représentait la splendeur à l'image du soleil qu'il était censé accompagner. Le phœnix symbolisait la résurrection. Cela avait le mérite d'être clair.


Pourquoi n'avoir pas gardé l'oie comme symbole ? Nous n'avons pas de réponse.

De plus pour les cathares, le pélican représentait aussi cet oiseau fabuleux qui accompagnai le soleil, prenant ainsi la place symbolique du cygne. Cela voudrait-il dire qu'ils ont appelé « Pélican » par défaut, cet oiseau fabuleux à la fois oie et cygne ?

Les chrétiens catholiques, après le concile de Nicée ont vu dans le pélican l'oiseau qui s'arrache les entrailles pour nourrir ses petits, ce qui correspond tout à fait à la nature de cet oiseau de mer qui régurgite sa pêche.


Mais alors pourquoi représenter cet oiseau sous les traits d'un cygne ou d'une oie ?

La seule affirmation que l'on peut formuler est celle-ci : le pélican est bien le symbole du Christ puisque toutes les Églises sont d'accord sur ce point.

Les divergences proviennent finalement non pas de la nature du symbole mais de la Nature même du Christ.


Et voilà le pélican embarqué dans le docétisme ou l’arianisme …

Soit le Christ est à la fois divin et humain, il a souffert sur la croix et a versé son sang pour racheter les hommes. Soit le Christ est considéré comme un Principe divin, le Bien qui combat le principe du mal et aide l'homme dans sa quête de « l'entendement du bien » comme disaient les « bons hommes » cathares.

Il y a encore une troisième possibilité qui envisage que Jésus ne soit qu'un être humain supérieur, un Grand Initié comme Orphée, Pythagore, Manès, Mahomet.

Cette hypothèse a eu également ses partisans en la personne d'Arius (Théologien) et de ses disciples.

Cette hérésie a été combattue avec la même férocité que le christianisme des premiers jours.


L'arianisme et le catharisme étaient en fait assez proches. Les ariens ne croyaient pas non plus à la mort sur la croix du « fils de Dieu ». Seule importait pour eux aussi la teneur du message que Jésus avait transmis.


En tout cas, le symbolisme cathare de l'image du pélican est au moins aussi clair que celui du Catholicisme.


Il est issu directement des allégories des premiers chrétiens elles-mêmes provenant des bestiaires égyptiens ou perses.


Le pélican est un oiseau fabuleux mi-cygne mi-oie qui combat le Mal et protège ses oisillons de la bête mauvaise.


Cet oiseau qui protège ses trois oisillons de la Bête, c'est tout simplement le Christ, dieu de lumière, qui combat les forces des Ténèbres pour que l'Homme sous ses trois aspects, corps, âme et esprit puisse grandir et devenir Christ lui- même ! Voilà le vrai message cathare ; tout homme peut devenir Christ s'il a la volonté de combattre le Mal et d'agir selon les enseignements du Christ.


En aucun cas la mort sur la croix du fils de Dieu ne peut racheter l'Humanité.

C'est l'homme et lui seul qui, par ses actes, pourra « gagner le Ciel » !


Et aussi dans l’ésotérisme …

Primitivement, symbole chrétien, il semblerait que ce soit, aujourd'hui, l'ésotérisme qui se soit emparé de ce symbole, pour celles et ceux qui cherchent urbi et orbi – « la ville et au monde », dans le secret de leur conscience, de leur cœur, et parfois de leur âme.


Pour conclure maçonniquement parlant :

Le pélican n'est pas un symbole spécifique : il est totalement ignoré par certain rite.

Le symbole du pélican a été repris par l’Ordre maçonnique des Chevaliers de la Rose Croix et de l’Aigle Noire (du « Foulques Nerra »), on trouve sa représentation sur des médaillons franc-maçon. Il figure aussi dans la classe chevaleresque du Régime Écossais Rectifié, dont il est, avec le Phénix, un symbole essentiel et même l’emblème de cette classe.


On finit par de la poésie :

Voici ce qu’écrivait Thibault de Champagne :



« Dieu est semblable au pélican,

Qui fait son nid au sommet de l’arbre le plus élevé,

Et le mauvais oiseau, qui vient d’en bas,

Tue ses oisillons, tant il est pervers.

Le père vient affligé et rempli de douleur,

De son bec il se tue, et de son sang douloureux

Fait revivre à l’instant ses oisillons.

Dieu fit de même, à l’heure de sa Passion :

De son doux sang il racheta ses enfants

Au Diable, dont la puissance était très grande. »


Pour conclure, j’aimerais préciser que cette réflexion reflète le corps de mon esprit et une certaine façon de concevoir et entrevoir le catharisme comme religion, croire ou ne pas croire, ça renvoie à une des définitions possibles de ce qu'est « croire » et « savoir »

[1] In Saint-Augustin Commentaire des Psaumes, Psaume 101. [2] Alors qu’en fait il régurgite les poissons qu’il a conservé dans son jabot pour nourrir ses petits. D’ailleurs dans le Psaume 102, 7 en hébreu, le mot désignant l’oiseau est un mot lié à la régurgitation (ke’at —קְאַת) ; c’est peut-être pour cette raison que des traducteurs de la LXX, en grec, ont préféré « pélican — πελεκᾶν » à d’autres oiseaux qui ne régurgitent pas. [3] רחמים, lire « rahham(im) »

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