Notre TCF Gérard Lefèvre nous offre, comme à son habitude, un regard maçonnique original sur l’un des thèmes de la quête de l’unité de l’être dans différentes civilisations, au travers du mythe de l’androgyne ; il écrit :
Dès sa première page, la Bible nous dit que le premier être humain, Adam, a été créé "homme et femme". Il était bien androgyne. Dans un deuxième temps, vint la différentiation, Ève étant tirée "du côté" d'Adam. Il y eut alors "homme" et "femme". Et chacun des deux partenaires d'affirmer son autonomie à partir du drame que l'on sait. L'histoire et ses vicissitudes commencèrent donc avec le couple, homme et femme.
Ainsi trouve-t-on dans l’évangile de Thomas : « Lorsque vous ne ferez des deux qu’un, et que vous ferez le dedans comme le dehors, et le haut comme le bas. Et si vous faites le mâle et la femelle en un seul, afin que le mâle ne soit plus mâle et la femelle ne soit plus femelle, alors vous entrerez dans le Royaume de Dieu ».
Dans d’autres traditions.
De Noun, la personnification de l'océan primordial, naquit Atoum, occupant ainsi la place du créateur. C'est lui qui de sa semence créera le premier couple divin, Chou et Tefnout, d'où descendront les principaux dieux de l'Égypte antique (la grande Ennéade).
L'absence de partenaire pour la mise au monde de ses enfants peut conférer à Atoum le caractère de créateur androgyne. Bien qu'étant une divinité incontestablement masculine, Atoum est contraint, par sa solitude, à jouer simultanément le rôle des deux sexes. Il devient ainsi « celui-ci et celle-ci »
ATOUM Celui qui vint à l'existence par lui-même
Il y a très longtemps, on pouvait compter trois espèces humaines différentes : des hommes doubles, des femmes doubles et des androgynes. A cette époque, l’homme était un être complet mais très orgueilleux, se suffisant à lui-même et n’ayant pas besoin d’amour extérieur. Le mythe des androgynes nous raconte comment, les dieux, lassés de l’orgueil humain ont séparé chaque individu en deux.
Suite à la séparation de sa moitié, l’homme devient malheureux. Il n’a de cesse de chercher à reproduire cette osmose originelle avec sa moitié. Le désir amoureux exprime donc un manque et cette recherche de la moitié perdue. L’amour apparaît alors comme le seul remède à la misère de l’homme et à sa solitude. Pourtant concevoir l’amour comme un manque est réducteur. L’amour est aussi invention, ressource et créativité.
Certains ésotérismes juifs et chrétiens voient dans les récits bibliques la description de la conjonction originelle des principes masculin et féminin ; ils rapprochent le récit biblique de celui qu’Aristophane relaté dans Le Banquet de Platon :
‘’Jadis la nature humaine était bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui. D’abord il y avait trois sortes d’hommes : les deux sexes qui subsistent encore, et un troisième composé de ces deux-là ; il a été détruit, la seule chose qui en reste c’est le nom. Cet animal formait une espèce particulière et s’appelait androgyne, parce qu’il réunissait le sexe masculin et le sexe féminin ; mais il n’existe plus, et son nom est en opprobre. L’Adam primitif androgyne, tombé dans la matière et divisé en deux êtres distincts, constitue une des lignes de force de la pensée théosophique.’’
Dès sa première page, la Bible nous dit que le premier être humain, Adam, a été créé "homme et femme". Il était bien androgyne. Dans un deuxième temps, vint la différentiation, Ève étant tirée "du côté" d'Adam. Il y eut alors "homme" et "femme". Et chacun des deux partenaires d'affirmer son autonomie à partir du drame que l'on sait. L'histoire et ses vicissitudes commencèrent donc avec le couple, homme et femme.
Ainsi trouve-t-on dans l’évangile de Thomas : « Lorsque vous ne ferez des deux qu’un, et que vous ferez le dedans comme le dehors, et le haut comme le bas. Et si vous faites le mâle et la femelle en un seul, afin que le mâle ne soit plus mâle et la femelle ne soit plus femelle, alors vous entrerez dans le Royaume de Dieu ».
De l'androgynie de deux êtres qui, en dépit de toute apparence et selon les termes mêmes de la Bible, "sont une même chair", l’église catholique a fondé sur cette formule biblique la règle dogmatique de l'indissolubilité du mariage, avec impossibilité de remariage dans le cas de séparation. Formellement, cette législation ne fut décrétée, et promulguée avec portée universelle, qu'au Concile de Trente, en 1563, après de vifs débats au demeurant. Cette loi canonique de l'indissolubilité, n'est-elle pas une façon masquée de maintenir vivant le mythe de l'androgyne primordial ?
Dans le langage commun, un androgyne (du grec anèr/andros, « homme » et gunê, « femme ») est un individu qui n’est pas clairement sexué : on ne peut dire s’il est homme ou femme.
Dans son sens spirituel, l’androgynie n’a pas de rapport avec l’apparence physique ou avec la transsexualité. Elle est le symbole spirituel de l’unité originelle du monde : elle traduit un dépassement de la dualité, de la différenciation.
On parle du « mythe de l’androgyne » en référence aux textes de la Grèce antique (Platon, Le Banquet), mais aussi pour décrire quelque chose que l’humanité aurait perdu : un état primordial oublié, un caractère authentique au-delà de nos perceptions erronées.
Ainsi, l’androgynie serait une sorte d’état naturel, édénique, une essence pure à reconquérir.
Étymologie
Le terme vient de androgynus Langue grec ancien: Ἀνδρόγυνος de ἀνήρ (Aner: Hommes) -génitif ἀνδρός (Andros) - et γυνή (Gyne: Femmes)https://boowiki.info/art/sexualite/androgyne.html - goto-2; Selon le mythe qui le concerne est une personne qui participe à la nature des deux sexes.
Androgyne est un terme qui est parfois utilisé de façon imprécise dans un langage moderne comme synonyme de intersexuelle, cette équivalence n’est pas exacte, puisque hermaphrodite est le terme technique, zoologie et botanique, Il indique la présence simultanée d'un individu et d'équipement caractéristiques sexuelles mâle et femelle qui produit des comportements différents en fonction de l'espèce où elle se produit et le mode de reproduction typique de l'espèce concernée. L'organisation de la reproduction escargots et huîtres, par exemple, il définit hermaphrodisme (Se réfère au concept biologique de l'intersexe physique) et non androgynie.
« Asclépius ou « Esculape », initié par Hermès Trismégiste, lui demande : « Quoi, tu dis que Dieu possède les deux sexes, Ô Trismégiste ? » et celui-ci lui répond : « Oui, Asclépius, et non pas Dieu seulement, mais tous les êtres animés et végétaux. »
Le mythe de l’androgyne renvoie :
- Au début des temps : l’androgyne est le premier homme, créé à l’image de Dieu. Dans le livre de la Genèse 2, 22-24, la femme est créée à partir de l’une des côtes de l’homme, ce qui montre que le premier homme était indifférencié,
- Mais aussi à la fin des temps : les récits apocalyptiques annoncent la fin de la souffrance et le retour à l’état primordial. Pour accéder à cet état, il faudra traverser la mort, renoncé à sa personnalité et à ses attachements.
Un mythe parallèle : Hermaphrodite.
Dans la mythologie grecque, Hermaphrodite (fils d’Hermès et d’Aphrodite) est un bel adolescent qui rencontre un jour la naïade Salmacis. Cette dernière s’éprend du jeune homme et obtient des dieux d’être unie à lui pour toujours : les deux personnages forment alors un seul être, à la fois mâle et femelle.
Autres parallèles symboliques.
Le mythe de l’androgyne peut être rapproché d’autres mythes ou symboles, tels que :
- L’œuf : c’est l’expression du monde-totalité. L’androgyne peut être vu comme l’individu à l’état de fœtus (en forme d’œuf). Indifférencié, monocellulaire, l’œuf est voué à générer toute chose différenciée,
- Adam Kadmon : dans la Kabbale, Adam Kadmon est l’homme primordial, l’être suprême (à ne pas confondre avec l’Adam du livre de la Genèse) qui correspond au premier monde spirituel dans lequel s’inscrivent les 10 Sephiroth,
- Le taijitu (symbole taoïste du yin et du yang) : c’est l’image très parlante de la dualité réunie dans l’unité,
- Le centre : l’androgyne se tient au point d’équilibre cosmique, là où passe l’axe du monde (ce dernier correspond à l’arbre de vie qui trône au milieu du jardin d’Eden),
- Le lemniscate (signe de l’infini ou « huit couché »),
- L’Ouroboros : symbole d’Un-le-Tout en alchimie,
- La Pierre philosophale : c’est la pierre sacrée des alchimistes, symbole de l’individu spiritualisé. On trouve aussi le terme d’androgyne hermétique,
- La parole perdue : thème présent dans les grandes traditions spirituelles, la parole perdue représente la vérité inaccessible, masquée par l’ego,
- Le chiffre 3 : c’est le symbole le plus évident de l’union des contraires, de la réconciliation des opposés,
- La lettre hébraïque Tsadé, évoque aussi la Justice (en hébreu tsadik veut dire « le Juste ») ou l’équilibre. L’être humain est en effet composé de deux principes qu’il faudra harmoniser :
- un principe changeant, femelle, lunaire, aqueux (le poisson), un principe fixateur, mâle, solaire, igné (le pêcheur et son hameçon).
Or l’être harmonisé porte un nom : l’androgyne.
- licorne : animal qui représente l’alliance entre la nature sauvage et le principe masculin fixateur (la corne sur le front de la licorne).
Parmi les symboles ci-dessus, beaucoup se rattachent à la tradition hermétique (alchimie spirituelle). Selon cette approche, il existe deux énergies cosmiques fondamentales :
Le pôle femelle et Le pôle mâle, ces deux énergies ont vocation à s’unifier et s’harmoniser. Sur le plan humain, cela aboutit à la naissance de l’androgyne hermétique : l’être parfait ou Rebis (de res bina : « chose double »).
Narcisse : le mythe de l'Androgyne et la quête de l'unité
Le Franc–maçon est-il un être androgyne ?
Avant de vouloir assimiler l'Apprenti à notre histoire d'être vivant, commençons par distinguer deux opposés : la peur et le plaisir, car l'homme est constitué par des couples de contraires ; on ne connaît pas la lumière sans les ténèbres, ni l'amour sans la colère, ni la joie sans la souffrance. Il y a toujours dualité, toujours la loi des contraires..., mais il est porté à croire que ces opposés sont également valables dans l'absolu. Partout où apparaît le deux, la situation cesse d'être simple et est mise en question « le doute ».
C'est le pavé mosaïque qui, à première lecture, nous ramène toujours aux oppositions, car, dans l'expérience immédiate de l'homme, dans son existence concrète, historique, il se doit de poursuivre le bien et combattre le mal, qui, pour lui, ne sont encore que des oppositions.
C'est pour cela que l'Apprenti est voué à l'action, à la lutte de tous les instants contre lui-même et contre les autres.
Œuvre de l’Apprenti : quelle personne suis-je ? – quelle est mon identité (masculine, féminine ou autre) ? Quel devenir ?
Nous aurions la faculté de comparer la période de l'Apprenti à la Création, le « primordial ». Le Compagnon, voué à l'intelligence et à l'étude, peut considérer les hommes de plus loin et les principes de plus près, et considérer que la recherche spirituelle se nourrit de paradoxe, puisque, alors que notre cerveau fonctionne en binaire, une chose est ou n'est pas et ne peut pas être les deux à la fois, le paradoxe ouvre la porte des possibles. La connaissance force le Compagnon à se comporter autrement qu'il serait spontanément porté à le faire, à contredire par la pensée ce que lui montrent l'expérience immédiate et la logique élémentaire : en somme, devenir ce qu'il n'est pas encore, ce qu'il ne peut pas être dans son état profane, non illuminé. Ayant dépassé le principe du binaire dans sa lecture première, il pourra alors considérer, par exemple, que le bien et le mal n'ont de raison d'être que dans le monde des apparences, qu'ils sont aussi illusoires et relatifs que tous les autres couples de contraires, que l'existence et la non-existence ne sont pas les différentes apparences d'une chose, mais la chose en elle-même.
Comparativement à la période de l'Apprenti, celle du Compagnon s'apparente à l'Évolution. Le Maître, lui, connaît la valeur de la Dyade (Couple de deux sujets, de deux éléments en interaction) et sait donc que les contradictions du binaire ne sont qu'apparentes et ne constituent que des éclairages complémentaires d'une réalité supérieure, dont il faut faire l'expérience par la pratique du détachement matériel et la maîtrise du Moi, qui doit, peu à peu, renoncer à ses illusions, pour aborder une perspective transcendantale, ramenant le Moi à la source lumineuse du Soi.
Pour la Kabbale, le Moi est le Gardien intérieur, le jardin d'Eden où l'androgyne devient Adam et Ève, clairement différencié mâle et femelle. L'Adam d'avant la chute représente l'Homme intégral et parfait, mais, par sa faute, il perd son androgynie, son savoir et sa sagesse radicale ; il appartient au Maître de partir à la reconquête de ce savoir et de cette sagesse. La Maîtrise peut donc, alors, être assimilée à la Réintégration. En fait, le Maître maçon, lui, se doit d'appréhender le mythe de l'androgyne en faisant référence à ce leitmotiv : « Réunir ce qui est épars », illustré particulièrement, à ce grade, par les légendes d'Hiram.
Mais, que dirait un Frère Romain : « Si no é véro, é bèné trovato » « « si ce n'est pas vrai, c'est bien trouvé ».
La quête de l’androgyne, genre réunissant les genres séparés par la colère des dieux (Aristophane), ne serait-elle pas au cœur de l’initiation maçonnique ? Dans une telle perspective, le féminisme nous a, en quelque sorte, apporté une pierre appréciée : n’a-t-il pas permis au genre féminin de pénétrer dans maintes citadelles traditionnellement masculines. N’hésitons pas à lui reconnaître le mérite de ces mutations essentielles.
Travail de synthèse GL 04/2022
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