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Le bonheur selon Spinoza : la Franc-maçonnerie serait-elle spinozienne ?


« J’espère donc que nous n’aurons qu’un seul but, celui de nous rendre mutuellement agréables et de nous unir dans le noble dessein d’être heureux et de communiquer le bonheur. » (Exhortation aux Frères).


Le bonheur ! Tous les Francs-maçons, sincères et véritables, s’accordent pour voir dans leurs venues en loge, schématiquement, les uns, pour trouver un lieu de convivialité fraternelle adossé à des traditions cérémonielles anciennes (surtout la Maçonnerie anglo-saxonne), les autres, pour trouver la lumière qui permettrait de mieux comprendre le réel (Maçonnerie continentale). Quoi qu’il en soit tous ont besoin de se « sentir bien » en loge pour trouver ce qu’ils sont venus chercher.

Mais le bonheur n’est-il pas un concept abstrait (une notion philosophique ?), mal défini (une notion de vocabulaire fluctuante : contentement, joie, félicité, béatitude, etc. ?), passager ou reflet d’un aspect de l’éternité ?

Or pour qu’il y ait bonheur, il faut qu’il y ait sentiment ressenti comme provenant d’une source extérieure et aussi de l’intérieur, animé par une dynamique de perfectionnement de soi pour chasser tout ce qui rend malheureux.

Vu sous cet angle et par la conjonction de ces facteurs, le bonheur devient un affect épanouissant.


Le bonheur en loge, pour pouvoir se produire, a besoin de compositions favorables :

- collectives : absence d’égos rendant impossibles la sérénité du travail en loge, absence d’orgueil perturbant sans cesse l’harmonie du chantier symbolique et rongeant le cœur de l’orgueilleux, absence d’esprit de destruction paralysant l’efficacité du travail en loge et semant la zizanie pour espérer tirer pour soi des avantages illusoires ;

- individuelles : état d’esprit de service, de bienveillance, de bienfaisance, concentration sur les messages des rituels … à condition que ceux-ci soient dûment et correctement transmis, sentiment d’être une pierre vivante ajustable par un processus de perfectionnement moral et spirituel à l’édifice collectif que le travail en loge se propose d’effectuer, travail sur soi pour éliminer toute passion impropre qui transforme l’être en une proie de lui-même, rejet de jalousie et de tentation de paraître et de se composer un personnage étranger à soi, volonté de communiquer son « bonheur » aux autres Frères Maçons et à l’extérieur de la loge.

Ajoutons que la loge incite chaque Maçon à faire des progrès en Franc-maçonnerie, c’est-à-dire à entrer et demeurer dans un processus de perfectionnement de soi, à relativiser les effets négatifs inévitables de la vie et à focaliser son énergie sur l’essentiel, qui construit, et non sur l’accessoire, qui détourne, détruit et fait divaguer.

Autrement, malgré le bienfait de l’initiation, la loge n’est pas en mesure de « produire » de l’extérieur toutes formes de bonheur et chaque Maçon ne l’est pas non plus, de l’intérieur, pour retenir et « métaboliser » ce qu’il reçoit, et se sentir toujours plus heureux et illuminé.

Bonheur, perfectionnement, affect, extérieur-intérieur, sont là les effets abstraits du travail maçonnique en loge.


Mais où avons-nous déjà entendu ou lu ces termes particuliers ? Chez Spinoza ! Ce philosophe immense s’est attaché, toute sa vie durant et dans toutes ses œuvres, à réfléchir sur cette notion de bonheur et sur les conditions qui permettent de le créer ; ses réflexions sont profondes sans cesser d’être pratiques. Il nous dit que si la fortune est par nature un facteur extérieur, l’adéquation à soi, c’est-à-dire se connaître sans haïr autrui, est une exigence première et absolue pour atteindre tout niveau de bonheur. Un passage d’un rite maçonnique ne dit-il pas que « le but de la vie de chacun est déposer tout ce qu’elle nous a apporté d’étranger en soi, afin de retrouver, avant qu’il ne soit trop tard, l’unité foncière de l’être. »


Cette notice n’a pas pour objet d’entrer dans le détail de cette philosophie. Retenons que l’approche de Spinoza sur le thème du bonheur fait étonnamment écho à la démarche maçonnique.


La Franc-maçonnerie serait-elle spinozienne ?


ITER, 08/2022.

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