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Le Bonheur selon … les mots.


« J’espère donc que nous n’aurons qu’un seul but, celui de nous rendre mutuellement agréables et de nous unir dans le noble dessein d’être heureux et de communiquer le bonheur. » (Exhortation aux Frères).


Le fond du sujet réside dans l’idée fort variée que l’humanité pensante s’est faite du bonheur, mot « valise », parmi d’autres, s’il en est.

Citons en passant cette notion de l’école cyrénaïque[1] qui identifiaient le bonheur à jouir de la vie et de tout ce qu'elle offre de bon : la bonne chère, le luxe de l'habillement et de l'habitation, par-dessus tout, la richesse qui permet de se procurer tous les plaisirs. Le bonheur, pour cette école, est d’avoir la jouissance, mais jamais sans garder un air de hauteur et de détachement. Il y a plaisir là où il y a mesure. Cette conception ne s’identifie cependant pas avec celle des épicuriens, comme nous le verrons.


Revenons à l’origine de la pensée sur le bonheur. Bien évidemment, nous atterrissons dans la Grèce antique. Mais avant d’entrer dans la pensée des grands philosophes, penchons-nous sur les mots utilisés par eux quand ils échangeaient sur le thème du bonheur. Nous trouvons trois mots-expressions : 1) « bien vivre[2] », 2) « avoir une bonne fortune[3]» et 3) « bienheureux[4] ».

« En ce qui concerne la nature du bonheur, on ne s'entend plus, et les réponses de la foule ne ressemblent pas à celles des sages[5]. » Aristote pose bien le problème dans ce passage.

Le premier mot bien vivre, est descriptif et neutre, et renvoie un banal bien vivre au sens littéral ; le second, entendu très littéralement, signifie le fait d’avoir un bon démon, au sens grec de ce terme, présence divine en soi, c’est-à-dire avoir un bon ‘génie’ en soi, ou, comme diraient les jeunes d’aujourd’hui, un bon ‘karma’ ; quant au troisième plus spécialement associé au divin, il connaît l’idée de perfection et pourrait se rendre si on voulait le différencier des autres termes, par félicité ou béatitude, très directement associé à l’idée de divin en soi ou de divinisation. C’est le second, eu-daimonia, qui s’est imposé progressivement dans le vocabulaire des philosophes de la Grèce classique.

Par sa position, en quelque sorte centrale, entre le premier et le troisième terme, il conduit précisément à la réflexion de savoir si l’accomplissement humain suppose, fusse dans une faible mesure, une part de chance, de faveur divine, ou bien s’il pourrait, à la rigueur, s’en affranchir totalement. Nous verrons dans la prochaine notice, les pensées de Socrate, Platon et Aristote de la notion d’eu-daimonia.

Retenons que le bonheur, pour un Franc-maçon, peut correspondre à ces trois notions. Être heureux et communiquer le bonheur, c’est d’abord être bien dans sa loge unie dans le noble dessein de rendre chaque Frère heureux de s’assembler sur le chantier symbolique, de partager une cérémonie ou une causerie initiatique, et de se retrouver heureux à la Tenue suivante : c’est le eu zèn ; ensuite, de sentir s’illuminer en soi un cœur heureux de ce qu’il a reçu et transmettre aux autres Frères cette joie et cette grâce de « voir la vie sous les bons côtés » : c’est le eu-daimonia ; enfin de s’élever spirituellement jusqu’à un niveau de bonheur intérieur auquel seul un très petit nombre d’entre eux peut accéder dans son être intérieur : c’est la makariotès.

N’est-ce pas là au fond le programme initiatique de la Franc-maçonnerie, pour tous les rites ?


Tiré de l’ouvrage Le Bonheur (Jean-François Balaudé), Vri

[1] Fondée par Aristippe de Cyrène, disciple de Socrate. [2] Eu zèn— Εὐ ζἡν. [3] eudemonia— εὐδαιμονία (une des formes du destin, de ce qui a été donné à chacun par le sort ou les dieux) ; la particule eu—εὐ indique que la forme de destin est favorable. [4] makariotès— μακάριοτὴς, de μακαρίος, bienheureux. [5] Aristote, Éthique à Nicomaque, 1095a.

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