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Le Bonheur selon Aristote, La Franc-maçonnerie serait-elle aristotélicienne ?


« J’espère donc que nous n’aurons qu’un seul but, celui de nous rendre mutuellement agréables et de nous unir dans le noble dessein d’être heureux et de communiquer le bonheur. » (Exhortation aux Frères).


Avec Aristote, la notion de bien conduisant au bonheur diffère de celle de Platon, qui posait le bonheur selon l’acceptation raisonnée des lois (cf. Les Lois), donc d’ordre principalement politique pour ce qui concerne la majorité des citoyens, et cela, à la faveur d’une éducation à la raison pour en comprendre le bien-fondé et les respecter.

Mais est-ce le bonheur est-il seulement fondé sur l’exercice de la raison, ou faut-il distinguer divers types de bonheur ? C’est à cette question que se consacre Aristote dans son ouvrage L’Éthique à Nicomaque. Il cerne ce qu’il appelle le bien spécifique humain, et de montrer, que des trois voies sont possibles pour l’atteindre : le plaisir la vertu et la sagesse. Le plaisir doit être écarté, non ce qu’il soit légitime d’exclure le plaisir du bien humain, mais il ne saurait être question d’en faire la valeur ultime, sans considération de ce à quoi il s’y attache.


Le bien humain, et don ce qui produit le bonheur, doit être déterminé en fonction de ce qu’il y a de spécifique chez l’homme, qui le distingue, soit la raison, mais, en tout premier lieu, au sens du discernement et non seulement la faculté de raisonner ; d’où l’affirmation : « Le bien, la perfection pour chaque chose varie suivant la vertu spéciale de cette chose. Par suite, le bien propre de l'homme est l'activité de l'âme dirigée par la vertu ; et, s'il y a plusieurs vertus, elle doit être dirigée par la plus haute et la plus parfaite de toutes[1]».


Aristote précise sa pensée dans sa théorie des vertus, vertu éthique d’abord puis vertu intellectuelle. La vertu éthique se définit comme une disposition à agir d’une façon délibérée consistant en un juste milieu entre des excès contraires, rationnellement déterminé. L’homme avisé, pour ce faire, dispose d’un certain nombre « d’outils éthiques » tels que le courage, la tempérance, la justice, et aussi la générosité, la magnificence, la grandeur d’âme, la douceur, la franchise, etc. Ces « outils éthiques » sont tous activés précisément par la faculté de l’homme avisé qu’est le discernementphronésis ») qui lui permet de mettre en œuvre une action rationnellement et éthiquement pensée et voulue. Et idéalement, l’homme parfait est celui qui pense, veut et agit en tant que mû par sa seconde nature, devenue permanente et non consciente.




L’autre espèce de vertu est la vertu intellectuelle, la « sophia », où l’on retrouve la philosophie. Mais c’est la conjugaison des deux, phronesis et sophia, qui permet d’atteindre à la perfection. La phronesis permet de raisonner sur des sujets contingents et immédiats, tandis que la sofia vise à des réalités stable, nécessaire, éternelles. Le plus excellent pour l’homme, donc le bien suprême, donc son bonheur, sera de se donner une vie orientée par la phronesis vers la sophia.




Quel que soit le Rite, la Franc-maçonnerie engage ses membres à la pratique des vertus pour parvenir aux bienfaits de l’initiation. Mais de quelles vertus s’agit-il ? Il paraît clair, d’après les rituels, que les vertus maçonniques sont tout d’abord les vertus « éthiques ». Et c’est bien cette voie de bonheur pour soi et envers les autres, qui permet à chaque « homme libre et de bonne renommée » de trouver sa place en Loge. Peut-on considérer que les « hauts-grades » sont une voie pour cultiver la seconde espèce des vertus théorisées et mises en pratique par Aristote, les vertus « intellectuelles » ?

Dans ce cas, la Franc-maçonnerie serait-elle aristotélicienne ?






Article inspiré par l’ouvrage Le Bonheur (Jean-François Balaudé), Vrin, 2006.


ITER,

07/2022.

[1] Éthique à Nicomaque, 1098, 15-18

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