
Notre TCF Gérard Lefèvre nous invite à une réflexion sur le symbole de « La Veuve ». Il écrit :
Ces messieurs du petit matin « les condamnés à mort », est une citation célèbre de l'écrivain français Albert Camus. Elle provient de son essai "Réflexions sur la guillotine", où il critique la peine de mort. Camus utilise cette expression pour décrire les bourreaux qui exécutent les condamnés à l'aube.
Camus était un fervent opposant à la peine de mort et a écrit plusieurs œuvres sur ce sujet. Son essai est une réflexion profonde sur la justice, la moralité et l'humanité.
Notre Frère Guillotin … Un symbole qui n’en est pas un …On ignore comment Guillotin s’était convaincu de l’idée de la décapitation et s’il avait à cette époque une conception précise du fameux «mécanisme».
Sans doute, était-il déjà entré en relation avec son confrère Antoine Louis, ancien chirurgien militaire.
Peut-être aussi en a-t-il conféré avec Sanson, ou ses frères de la loge « La Candeur » (la loge de La Fayette et de Laclos), ou bien au Club de 1789, où se côtoyaient plus de quatre cents membres qui, tous, un jour prochain, iront « demander l’heure à la fenêtre nationale » la VEUVE.
Rien de bien joyeux dans tout cela mais n’est-elle pas joyeuse « la veuve »
« Veuve, et qui ne doit plus de respect à personne » s’écrie-t-elle, oui mais celle-là, c’est Corneille.
Noire aussi mais elle est la plus dangereuse de tout le monde animal.

Julius Schnorr von Carolsfeld : Ruth dans le champ de Boaz - 1828
Ruth la Moabite.
Dans la Bible, il y a plusieurs personnages féminins qui sont des veuves. L'une des plus célèbres est « Ruth », une Moabite veuve qui est restée loyale à sa belle-mère Naomi et a finalement épousé Boaz. Sa dévotion et son intégrité sont largement célébrées dans le Livre de Ruth.
Dans la franc-maçonnerie, Ruth et Boaz ne sont pas considérés comme l’alpha et l’oméga de cette organisation, mais ils occupent tous deux une place symbolique importante. « Boaz », est l'un des piliers du Temple de Salomon, symbolisant la force et la stabilité. « Ruth », quant à elle, représente la loyauté, la vertu et la persévérance.
Le duo Ruth et Boaz est surtout célèbre dans le contexte biblique et symbolise des valeurs que la franc-maçonnerie peut apprécier, mais il ne constitue pas les bases ou les fondements principaux de celle-ci. Les fondements de la franc-maçonnerie reposent plutôt sur des concepts comme la fraternité, la recherche de la vérité, et le développement moral et intellectuel.
Dans la franc-maçonnerie, la figure de la veuve est souvent symbolique et représente la fragilité et la vulnérabilité de l'homme face à la vie et à la mort.
Ruth, avec son histoire de loyauté et de résilience après la perte de son mari, pourrait incarner certains aspects de ce symbolisme.
Cependant, traditionnellement, la veuve maçonnique est davantage associée à la veuve du constructeur du Temple de Salomon, Hiram, qui est une figure centrale dans les mythes maçonniques. Hiram est considéré comme un maître maçon exemplaire, et sa mort et sa veuve symbolisent la perte et le deuil dans l'ordre maçonnique
Plus prosaïquement, revenons à notre "VEUVE", nous les enfants de la veuve.
Le mot « Veuve », vient du latin «Vidua», qui signifie vide, privé de. Le mot « vide » a le sens d’espace et non de néant.
Dans le monde profane, les fils de la veuve, désigne des enfants qui ont perdu leur père.
L’absence de père semble récurrente dans les mythologies et les religions ; pas de présence paternelle dans l’histoire, Krishna, Sargon, Moise etc.
Il est dit d’Hiram, dans le Livre des Rois, qu’il était lui-même le fils d’une veuve de la tribu de Nephtali : ce qui pourrait justifier l’allusion !
Les Mythes.
Isis, pour rassembler ce qui est épars…
A l’instar des nombreux mythes agraires similaires, le drame d’Hiram peut donner lieu à une interprétation astronomique : Hiram serait le soleil, l’Acacia représenterait la nouvelle végétation engendrée par la renaissance du soleil.En décembre le soleil hivernal paraissant descendre dans le tombeau, la nature est veuve de son époux, de celui-ci dont elle tient chaque année sa joie et sa fécondité. Ses enfants (enfants de la veuve, aussi appelés enfants de la nature) se désolent, ils deviennent enfants de la lumière lorsque le soleil réapparaît.
La nature constitue l’archétype de la veuve, nul n’a besoin d’être initié pour savoir, que de la semence du grain résulte de la récolte du blé.
Le mythe d’Isis, la recherche du coffre dans lequel le corps d’Osiris fut enfermé par Seth avant d’être jeté dans le Nil, puis la recherche des membres dispersés d’Osiris découpé par Seth en 14, 16 ou 42 morceaux (suivant l’interprétation du nombre de région de l’Égypte antique).
La Veuve est celle sans qui le dieu Osiris demeure cadavre (ce qui évoque Shakti et Shiva dans les spiritualités de l’Inde). Elle est le vecteur de la résurrection, un vecteur permanent de tradition en tradition jusque dans le mythe d’Hiram.
Il est une expression forte « les Enfants de la Veuve » un rappel à l’indispensable polarité féminine. Il est à noter que dans le mythe, la « mort » est « inertie, isolement, lassitude et dispersion » soit une perte d’axialité.
La Veuve connaît « ce qui n’est pas encore venu à l’existence, c’est-à-dire l’énergie qui demeure une potentialité, elle sait faire apparaître cette énergie en lui donnant forme ; elle possède le moyen de maintenir la vie en la régénérant. »Isis, guerrière et magicienne, symbolise aussi l’alternative nomade, le voyage initiatique qui lui permet « de rassembler les membres dispersés de son époux et lui rendre son intégrité ; en faisant cela, elle relie les villes entre elles et reconstitue le corps symbolique du dieu ».
Rassembler, réunir, réanimer sont les trois temps de l’œuvre isiaque, un procès alchimique dans lequel larmes, souffle, sang, verbe, semence et lait, notamment, sont des composants essentiels.

Mythologie grecque Médée
Médée et la tragédie grecque, comme allégorie d’un ésotérisme…
N’oublions pas MÉDÉE, la veuve noire de l'Euripide. Il me paraît approprié de faire le point sur cette femme valeureuse...Cela va sans dire, elle est porteuse de mort.
Médée, magicienne, barbare originaire de Colchide, sur les bords de la mer Noire, est l’épouse du héros grec Jason qu’elle a séduit lors de la conquête de la toison d’or par les Argonautes.
Médée, grâce à ses pouvoirs exceptionnels, avait aidé Jason à terrasser le dragon, gardien de la toison, qui devait permettre au héros de retrouver le trône de son royaume en Thessalie, usurpé par son oncle Pélias.
Le couple, après un passage en Thessalie où Jason accomplit sa vengeance en faisant périr son oncle, se rend à Corinthe où règne le roi Créon.
Médée donne alors deux enfants à Jason. Mais leur bonheur vole en éclat le jour où Jason, par goût du pouvoir, trahit Médée pour épouser la princesse Glauké, fille de Créon.
De plus, Créon décrète l’exil de Médée et celui de ses fils.
Blessée, écorchée vive, Médée n’a d’autre ressource pour redonner un sens à son existence que de se réfugier dans la haine absolue et la vengeance en organisant l’assassinat de sa rivale et de son père ainsi que celui de ses propres enfants.
MEDEE, se venge en offrant à la nouvelle épouse des cadeaux maléfiques qui s’embrassent au soleil, le roi et la fille meurent brulés. Enfin elle s’envole dans un char ailé, le char de son ancêtre le soleil. Que n’a-t-on pas dit de MEDEE ! Femme jalouse et vengeresse, monstre infanticide, profondément inhumaine.
Pris au pied de la lettre, le drame de MEDEE est épouvantable ; mais sous l’angle initiatique, il prend une tout autre signification : MEDEE aurait initié JASON, puis son beau-père. Dans la mythologie grecque, Médée est souvent vue comme une figure complexe, à la fois puissante et tragique. Les récits varient sur ce qu'elle aurait pu transmettre à Jason et à son beau-père, mais étant donné son savoir magique et ses talents en sorcellerie, on pourrait imaginer plusieurs types d’initiation secrète :
- Rituels de purification : Pratiques magiques pour se débarrasser des énergies négatives et se protéger des esprits maléfiques.
- Art de la métamorphose : Techniques pour changer d'apparence ou transformer des objets ou des êtres.
- Secrets de l'âme et de l'esprit : Connaissance des rituels pour influencer ou manipuler les pensées et les émotions des autres etc.
MEDEE possédait un chaudron de résurrection semblable à celui de la déesse celtique BRANWEN qui faisait bouillir les morts avant de les faire renaitre.
« La mort, la meilleure amie de l’homme » (Mozart, notre Frère)
Résurrection retour de la mort à la vie. Le mythe d'Osiris en est la justification symbolique. Le retour du printemps après l'hiver est une allégorie courante de ce principe.
La Franc-maçonnerie nous apprend que la mort ne doit pas nous terrifier, qu’elle n’est pas l’opposée de la vie, que nous devons cesser de fonctionner dans le champ du connu pour aller plus loin, que nous devons accepter l’inconnu pour nous dépasser, accepter de ne pas durer indéfiniment, pour mieux nous détacher de l’inutile et du superficiel.
La veuve nous donne des indications sur la mort de notre être de chair, et sur le monde de l’au-delà ; chercher une relation entre la vie et la mort, un pont entre le continu afin de parfaire notre imagination de l’au-delà.
Caractérisée par un « voile noir », elle symbolise alors les ténèbres inhérentes à l’espace, c’est la raison pour laquelle, les Maçons sont simultanément, les enfants de la veuve, et les enfants de la lumière; mais au sein de ce temple, ils se manifestent comme enfants de la Lumière et nul besoin de répandre « à nous les enfants de la veuve ».

Gravure réalisée par Martin Marvie et Nicolas Beauvais d'après un dessin de Jean-Baptiste Oudry représentant la fable La jeune veuve de Jean de La Fontaine (fable 21 du livre VI)
Pour Paraphraser Jean de la Fontaine (La jeune Veuve) il ne condamne pas la veuve car son comportement est naturel.
Par une fable bien structurée et l'omniprésence du temps, La Fontaine réussit à nous faire comprendre qu'il est important de profiter de la vie. En effet, celle-ci n'est pas éternelle et le temps guérit les blessures de la vie.
GL, 01/2025.
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