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Cahier Bleu n° 32 : La Franc-maçonnerie est-elle une philosophie pour marcher à l’endroit ?



Qu’est-ce au fond une philosophie ? la recherche de la sagesse et de son amour, certes, mais encore ? La philosophie serait-elle autre chose qu’utile à la vie heureuse et une pratique pour approcher l’existence avec recul, et apprendre à vivre paisiblement en soi et en société ? Et selon quoi ? … selon l’expérience des grands anciens, qui, sous toutes les latitudes et dans tous les siècles, nous ont légué les pensées nécessaires pour mener une vie meilleure dans ce bas monde.

Qu’est-ce au fond que la Franc-maçonnerie ? Une société fraternelle, certes, mais encore ? Elle est surtout un apprentissage de la vie sociale et intérieure apaisée. Et selon quoi ? Selon l’expérience des grands anciens initiés, qui nous l’ont transmise via rituels et instructions. Et non selon une loi divine révélée, car la Franc-maçonnerie n’est pas un succédanée de religion ni un remplacement de religion, encore moins une voie de salut, tout en s’inscrivant sans ambiguïté dans le cadre du judéo-christianisme. Elle conduit à une vie communautaire universelle, inspirée, animée et organisée sur le modèle d’un chantier. Cet enseignement est bénéfique pour tous et pour tous ceux qui l’écoutent et s’en infusent (effet de l’initiation), et inutile à ceux qui le transgressent ou pour lesquels l’initiation ne pénètre pas ou reste désespérément superficielle.

Mais accéder à une vie conforme au modèle maçonnique pour en faire une vraie philosophie de vie suppose une certaine disposition d’esprit. La qualité fondamentale requise est l’aptitude à écouter dans le silence, à se laisser pénétrer par sa lumière avant de comprendre, et bien-sûr avant de parler et surtout d’agir. La capacité d’écoute doit déboucher sur une attention, d’une part, aux messages subliminaux des rituels et symboles, d’autre part, à l’autre, le Frère, si humble soit-il : « N’emplis pas ton cœur du fait que tu es savant ; discute avec l’ignorant de la même façon qu’avec l’érudit, car on n’a jamais atteint les limites d’un art et nul artiste ne possède la perfection. Une bonne parole est plus rare que la pierre verte, on la trouve pourtant parmi les servantes qui travaillent à la meule[1]. »

C’est la maîtrise de soi qui conduit à cette aptitude d’écoute et, de fait, elle ouvre la porte intérieure au bienfait de l’illumination.

En Maçonnerie, le sage est le « silencieux », il est celui qui, sous le bénéfice du rituel, donne priorité au « cœur » (siège de l’intellect, de la raison) sur le « ventre » (l’instinct). Il refuse la colère ou la querelle en toute circonstance. La Maçonnerie serait en quelque sorte une « désanimalisation[2] » de l’être, une attitude de vie pratique débouchant sur une pensée juste, une volonté juste et une action juste. On mesure la réussite de cet effort de perfectionnement de l’être Maçon à la reconnaissance et à l’approbation que lui témoigne la communauté fraternelle du fait de sa transformation de « simple connaissance maçonnique de loge » en « véritable modèle inspirant de vie ».

Cet effort de persévérance dans le bien est une véritable quête de la sagesse, de la force et de la beauté / bonté, surnageant dans l’océan des vents et courants contraires du monde.

Mais attention, le retour au chaos originel menace sans cesse, car il est toujours susceptible de revenir ! Et sans cesse s’ouvrent sous nos yeux les ténèbres et sous nos pieds la voie du monde à l’envers.

L’illumination initiatique, porteuse de philosophie utile pour l’existence heureuse, ne peut concerner nullement ceux qui marchent à l’envers dans les ténèbres ; ils servent ainsi le chaos ; ou si l’on préfère, ils déconstruisent le chantier symbolique au fur et à mesure que leurs Frères le montent. Le sabotage du chantier symbolique procède de la bêtise, de la méchanceté, de l’esprit de querelle, de la frustration ou du développement de l’ego individuel aux dépens de l’exaltation partagée et joyeuse de la réalisation collective de la Loge.

La mauvaise fortune des Maçons qui marchent à l’envers en piétinant les degrés et les dons de l’initiation, répand sur leurs Frères et sur eux-mêmes malheur et contre-initiation. Ils traînent à leur suite le désordre contre l’esprit de fraternité et toutes formes de vie sociale et intérieure juste. Ces maux sont en relation avec l’effacement dans leur esprit des valeurs traditionnelles de la fraternité de chantier, où chacun a besoin de l’autre pour réussir la construction de l’édifice tant extérieur qu’intérieur. La Franc-maçonnerie est un champ de libre dépendance dans la libre interdépendance.

Mais se conformer aux valeurs maçonniques suppose non seulement d’apprendre à les connaître mais aussi de posséder les vertus qui permettent de les mettre en œuvre. Ces vertus de justice, tempérance, discernement et courage (force en action), de foi, d’espérance et d’agapè, permettent de mettre à distance de l’être Maçon les principaux vices « antiphilosophiques » que sont la jalousie, la cupidité, l’orgueil.

La Maçonnerie est une voie de philosophie pratique qui permet de marcher droit et non à l’envers dans le monde ! C’est à ce seul titre que l’on peut affirmer qu’elle est une philosophie de vie universelle utile aux hommes.


G.L.I.F. 11/2021.

[1] In Enseignement de Ptahhotep, cité dans Sages, Mystiques et Maître spirituels, collectif sous la direction de Frédéric Lenoir et Ysé Tardan-Masquelier, Bayard, 2020, pp. 30-32. [2] Métaphore certes injuste pour les animaux qui ne connaissent, à ce que l’on sait, ni colère ni agressivité, sauf lorsqu’ils sont attaqués ; et encore dans ces circonstances particulières « Cet animal est très méchant, quand on l’attaque, il se défend »


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