Cahier Bleu n° 48 : D’accord, la Franc-maçonnerie ne peut pas faire revenir « l’Âge d’Or », mais elle peut permettre de défaire « l’Âge de Fer »…

La Franc-maçonnerie spéculative a été conçue pour créer une chaîne universelle « d’honnêtes hommes », c’est-à-dire une communauté de personnes de bon aloi où règneraient, dans le monde, des relations apaisées, respectueuses et fraternelles entre les hommes. Un nouvel « Âge d’Or » en quelque sorte. S’il existe des Maçons qui font régner un tel esprit de paix et d’harmonie, il y a en a hélas d’autres qui font pénétrer les passions du monde, c’est-à-dire l’Âge de Fer, dans les loges.

N’exagérons rien, la Franc-maçonnerie n’a jamais prétendu régénérer le monde pour le faire revenir au mythique « Âge d’Or », mais seulement transformer l’homme de l’intérieur, moralement, intellectuellement et spirituellement, grâce aux bienfaits de l’initiation, démarche cérémonielle commune à tous ses membres. Si ce noble but était atteint par toutes les loges et tous les Maçons, nous vivrions sous une certaine forme d’« Âge d’Or », et ainsi, la Franc-maçonnerie atténuerait les effets nocifs de « l’Âge de Fer ». Heureusement, il existe des loges et des Maçons qui œuvrent à ce projet généreux et altruiste.

« Âge d’Or » et « Âge de Fer ».

Mais au fond, au juste qu’est-ce que « l’Âge d’Or » et qu’est-ce que « l’Âge de Fer » ?

Cette expression « l’Âge d’Or » a longtemps désigné une période mythique de l'humanité, celle de l'abondance dans une nature généreuse, où tout pousse sans travail, où les animaux domestiques et sauvages vivent en paix entre eux et avec les hommes, où la ronce distille le miel. C’est une représentation imaginaire de l’humanité des origines, physiquement et moralement parfaite ; c’est pourquoi elle porte le nom du métal le plus pur, réputé inaltérable.

Aujourd’hui cette expression « Âge d’Or », banalisée, sert couramment à qualifier une période « bénie » d’une civilisation, d’un mouvement artistique, de découvertes scientifiques, etc.

Mais il y a aussi « l’Âge de Fer ». C’est la période actuelle, où dégradation après dégradation, après l’âge d’Argent et « l’Âge de bronze ou d’airain », l’humanité est entrée dans « l’Âge de Fer », où tout continue d’évoluer dans la déliquescence, sous toutes ses formes.

Que nous dit Hésiode de « l’Âge de Fer » ?

Il semble bien, du moins en Occident, que ce soit le poète Hésiode, qui introduisit le mythe de « l’Âge d’Or », suivi, dans une dégradation générale, de « l’Âge d’Argent », puis de « l’Âge du Bronze ou de l’Airain », puis de « l’Âge de l’Atlantide ou de « l’Orichalque[1] », et enfin de « l’Âge du Fer » ; cinq étapes dans la dégénérescence de l’humanité …

Passons sur les quatre premiers âges —ou « générations »—, écoutons ce que le poète Hésiode nous dit de « l’Âge de Fer ». Fermons les yeux et imaginons qu’il évoque, non pas la Franc-maçonnerie dans son ensemble qui reste fidèle à sa raison d’être, mais certains Francs-maçons, icônes des turpitudes du temps présent… Facile, hélas, de transposer ses propos …

« Plût au ciel que je n’eusse pas ensuite à vivre parmi les hommes

De la cinquième génération, et que je fusse mort, ou né plus tard.

Car c’est maintenant la race de fer. Les hommes ne cesseront, le jour,

De souffrir et de peiner, et la nuit d’être consumés, telles seront

Les dures inquiétudes que les dieux leur enverront.

Toutefois, des biens se mêleront pour eux à ces maux.

Zeus fera disparaître à son tour cette race d’hommes périssables,

Au moment où ils naîtront avec des tempes blanches.

Le père alors ne sera plus semblable à son fils, ni les fils à leur père,

L’hôte ne sera plus cher à son hôte, ni l’ami à son ami.

Ni le frère à son frère, comme auparavant.

Et les hommes ne respecteront plus leurs parents, dès qu’ils vieilliront,

Et ils se plaindront d’eux en leur parlant durement.

Les misérables ! Ils ne connaîtront même pas la crainte des dieux !

Les vieillards qui les ont nourris, ils les laisseront sans nourriture !

Ils n’auront aucun égard pour la foi jurée, pour le juste,

Comme pour le bien ; mais ce sera plutôt l’artisan des crimes,

Et la démesure qu’ils honoreront. Le juste résidera dans la force,

Et le respect disparaîtra. Le méchant nuira à l’homme vertueux

Avec des mots tortueux, qu’il appuiera de faux serments.

La jalousie sera la compagne de tous ces misérables hommes,

La jalousie, au langage amer, au front haineux, au regard sinistre.

Alors, laissant pour l’Olympe la terre aux larges routes,

Cachant leur beau corps sous de blancs manteaux,

Respect et justice, abandonnant les hommes, rejoindront

La tribu des Immortels. Seules resteront aux mortels

Les tristes souffrances, et au mal, il n’y aura pas de remède. »

Et la Franc-maçonnerie dans tout ça ?

Alors, bon, d’accord, la Franc-maçonnerie ne peut pas faire revenir « l’Âge d’Or ». Mais l’initiation maçonnique peut réduire, au moins, grâce au petit reste de Maçons de paix et de lumière, ces nuisances désastreuses de « l’Âge de Fer », qui ne l’épargnent pas non plus. C’est possible, mais seulement si elle veille au choix toujours plus rigoureux de ses membres et elle fait preuve du courage d’écarter, d’isoler, les rouilleurs dont la devise pourrait être « je rouille pour vous ».

Ainsi, la Franc-maçonnerie, force morale, intellectuelle et spirituelle, force positive, permet de ne pas plonger dans « l’Âge de Fer » si elle reste bien sur sa raison d’être première : l’amitié et la fraternité entre des hommes liés par une commune initiation.

Il y a en effet des ressources suffisantes dans des loges pour éclairer cet horizon souhaitable.

Puisse la Franc-maçonnerie continuer de faire ainsi rayonner « l’Âge d’Or » de sa vocation première pour le plus grand bien des Frères, de l’homme et de ses semblables, pour la « réparation du monde » par toujours plus de sagesse, de justice et de bienveillance.

La Franc-maçonnerie aura alors remplacé « l’Âge de Fer » par l’Âge de l’Équerre et du Compas,

[1] Mélange de cuivre et de zinc.